LE MOT PHONOLOGIQUE (in ordres et raisons de langue)

 

 

 

Préambule incertain. : [Jacobson/Milner] : “ Reflexions sur le vers français.”

1) Dans l’ensemble des données linguistitiques, il y a une partition bien définie entre séquences poétiques et non-poétiques.

2) Les concepts et les règles déterminants les séquences poétiques sont spécifiques mais non-autonomes  par rapport aux concepts et aux règles de la grammaire, déterminant les séquences non-poétiques.

En un mot, toutes les langues sont capables de poésie, inclue dans un sous-ensemble caractérisable, cela doit être tenu pour une propriété fondamentale des langues naturelles.

 

Selon Jacobson ( formaliste russe ), la matrice de toute réponse à la question : Quels sont les critères définitoires du poétique ? est la règle (2)

 

Question : Comment le poétique dans une langue est-il possible ? ( cf Roubaud  Théorie du rythme ) : Le rythme : une combinaison du même et de l’autre.

( voir à ce sujet les propositions subjectives de Grammont )

Le poétique ne sera plus défini selon sa forme phonique, mais aussi sous sa forme syntaxique.

 

Les séquences poétiques ont une organisation interne  et un principe de différenciation donné. ( par exemple l’accent métrique ) On peut donc en distinguer des parties ( par exemple : des pieds ). On peut donc leur attribuer une forme ( sur la base de leur caractère fini.)

Elles se distinguent notamment par leur début, leur intérieur et leur fin. Ce n’est pas seulement un mètre, mais un vers. c’est-à-dire un certain espace à l’intérieur duquel des processus spécifiques peuvent être définis et dont les bornes extérieures ont des propritétés caractéristiques.

 

La versification française ( classique ) se compose toujours du décompte d’un certain nombre de syllabes. D’où : Toute théorie du poétique devra comporter une procédure de décompte.

On sait, on a vu que l’élément phonologique est la voyelle et non la syllabe dans le décompte.

Le “e muet” fait on ne fait pas partie de ce décompte selon des circonstances que nous étudierons.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les règles générales du français gouvernant l’instabilité du “e”

 

(a) Chute du e final : e tombe à la fin du mot phonologique, quelle que soit la nature de l’élément suivant.

(b) Elision : e tombe à l’intérieur du mot phonologique s’il est suivi d’une voyelle.

(c) Loi des trois consonnes : e tombe à l’intérieur du mot phonologique s’il est précédé et suivi de consonnes et si sa chute ne produit pas une suite de trois consonnes ou plus. ( facultatif )

 

Pour les consonnes :

 

4  (a) chute de consonnes finale : C tombe à la fin du mot phonologique quelle que soit la nature de l’élément suivant.

(b) troncation : C tombe à l’intérieur du mot phonologique devant consonne. Il se maintient devant voyelle : Il y a liaison à l’intérieur du mot phonologique. La règle ne dit rien sur ce point. Elle ne traite que de l’exclusion de la liaison et non des conditions de son maintien.

 

LE MOT PHONOLOGIQUE.DÉFINITION. CONSÉQUENCES:

Ou mot phonétique : Un ensemble d’unités léxicales éventuellement distinctes, mais traitées en français de façon solidaire pour le sens, pour la syntaxe, pour l’accent et pour les processus d’effacement des segments finaux.

 

+ désigne la limite d’unité lexicale.

# désigne un groupe d’unités lexicales analysé par la syntaxe en terme de catégorie majeure soit les catégories lexicales : Groupe Nom

                                                                                          Groupe Adjectif

                                                                                          GroupeVerbe

[s#[GN#[article +le+ [GA +petit+][N +livre+]#]

Un mot est la séquence contenue entre deux limites de mot.  Il n’existe de limite de mot qu’à la fin d’un groupe syntaxique majeur.

 

conclusion  DANS LA LANGUE : Il y aura liaison à l’intérieur d’un groupe nominal ( la consonne ne tombe pas devant voyelle mais seulement devant consonne ) Il y aura liaison à l’intérieur d’un groupe verbal, il y aura liaison entre le verbe et son complément qui fait partie du groupe verbal. Il n’y aura pas de liaison entre le groupe nominal sujet et le groupe verbal qui sont deux groupes majeurs.

 

Le e tombe toujours en fin de mot phonologique : Il tombera donc à la fin du vers. ( il est surnuméraire ) Il sera toujours compté à l’intérieur du vers.Il tombera toujours devant une voyelle.

 

 

 

 

 

REGLES PHONOLOGIQUES DU VERS :

 

 

LE RÉAJUSTEMENT POÉTIQUE DU VERS :

 

(a) Le vers n’admet pas l’application facultative des trois consonnes. C’est la conséquence du fait que le e est toujours compté devant consonne.

(b) La fin du vers est traitée comme fin de mot.

(c) L’intérieur du vers est traité comme l’intérieur d’un mot.

 

En vers on fait toutes les liaisons possibles non seulement à l’intérieur d’un élément rythmique, mais d’un élément rythmique à l’autre, même par dessus une coupe grammaticale. C’est déjà dans Grammont ( 1974, p135 )

e se maintient partout devant consonne, y compris à la fin d’un groupe syntaxique, de même la consonne se maintient devant voyelle ( liaison ) y compris à la fin des groupes syntaxiques majeurs.

Parallèlement, le e final n’est jamais compté même si le vers suivant commence par une consonne, de même la consonne finale  ( n’est pas liée ) d’un vers à l’autre. ( En vertu du principe de la chute des consonnes ) la consonne finale tombe en fin de mot phonologique ) même si le vers suivant commence par une voyelle. De même il n’y a pas hiatus de vers à vers :

 

en cet affront mon père est l’offensé

Et l’offenseur le père de Chimène

(Corneille)

 

Dans le cas du e muet maintenu suivi d’une consonne flexionnelle ( marque du pluriel ( -s ) ( -ent ), le réajustement poétique du vers n’applique pas la chute de consonne devant consonne, même si celle-ci n’est pas prononcée:

 

Forêts, soleils, rives, savanes ! Il s’aidait

( Rimbaud )

 

Le “s”  et le “e”de savanes ont toutes les raisons de tomber :

dans la prose ils tombent. Si “s” tombe, “e” tombe devant la voyelle “i”.

Mais il fait nombre dans le vers.

 

Le vers est traité comme unité phonologique unique et ses bornes extrêmes comme limite de mot.

L’enjambement ( non interdit ) mais considéré comme une violation nécessaire n’ est rien d’autre que la présence d’une limite de vers que la syntaxe n’admet pas.

 

 

dans :

Ma fortune va prendre une face nouvelle ( Racine Andromaque)

 

le “e” de fortune est en fin de mot phonologique ( groupe nominale sujet # groupe verbal ) il tomberait dans la prose. Or il compte pour le vers . Il sera dons extrèmement réduit en vertu de la contradiction en réajustement poétique et réajustement général. Quasi bruit blanc.

En revanche le “e” de face et le “e” de une pourrait petre prononcés en prose ( un e muet devant consonne est toujours prononçable devant consonne à l’intérieur d’un mot phonologique. Ils sont syllabiques et prononcés davantage que le “e” de fortune.

 

La marque :

 S’il n’y a pas contradiction :

...u/ne/fa/ce/nou/velle

 S’il y a contradiction :

ma/for/tune/Ø/va/pren/dr...

 

Le “e” appartient toujours à la syllabe 3 et le “Ø” marque le décompte 4 ( bruit blanc ) Elle peut se marquer comme une pause infinitésimale.

A noter que “face” peut être traité de la même façon, l’adjectif étant placé après.

 

Dans le cas de coupe forte dans le vers ( point, point virgule, passage à un autre locuteur ) et que “e” sert au décompte, on ne prononcera pas le “e”. Le décompte est abstrait. Idem pour la liaison :

Orgon

Adieu : prenez le soin, vous autres...( non prononcés )

Cléante

Allez tôt.

 

Il n’y a pas de règles syntactiques propres au vers, mais des règles générales appliquées selon des conditions particulières.

 

R : Un vers français est une suite de barres ordinaires , précédée par une première barre et suivies d’une dernière barre.

R1 : Il y a vers dans une langue dès qu’il est possible d’insérer des limites phonologiques sans avoir égard à la structure syntaxique

 

 

...Il y a vers dès qu’il y a possibilité d’enjambement...cf. Milner “ ordres et raisons de langue ”. L’importance du blanc typographique : Il signale la possibilité d’un enjambement donc l’existence du vers. ( plus que le décompte, plus que la rime,) L’enjambement c’est-à-dire la non-coïncidence des limites syntaxiques et des limites phonologiquement réajustées. ( poétiques ) tels sont les universels de substance qui caractérisent les données poétiques.

 

 

 

 

DEUX UNIVERSELS D’APPLICATION

 

 

Si, dans une langue, il existe un système poétique où la notion de vers est définissable et si, dans cette langue, la phonologie définit la notion de mot, alors

 

1) le début et la fin du vers sont traités phonologiquement comme le début et la fin d’un mot même si les conditions de la définition générale ne sont pas satisfaites.

2) l’intérieur du vers est traité comme un mot unique, même si, suivant la définition générale, il en contient plusieurs.

 

 

C’est par ce que le blanc signale ( la possibilité d’un enjambement ) que le verset claudélien est vers.

 

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